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Stratégie d'entreprise & RSE : la philosophie comme outil de pilotage

La pensée systémique appliquée à la RSE
3 décembre 2025 par
Stratégie d'entreprise & RSE : la philosophie comme outil de pilotage
Transition, Lucie LINXE

Stratégie d'entreprise : pourquoi la RSE est une question de philosophie et de performance ?

Ma grand-mère, comme beaucoup de personnes de sa génération, possède une sorte de force tranquille. Face aux aléas de la vie, aux projets qui échouent et aux nouvelles anxiogènes, elle a une parade simple, une phrase qui agit comme un baume : "Il faut prendre les choses avec philosophie."

Cette expression, nous l'avons tous entendue. Elle évoque la patience, une forme de résignation face à ce que l'on ne peut changer. C'est une sagesse populaire qui nous invite à ne pas nous laisser submerger par le tumulte du moment.

Pourtant, en y réfléchissant dans le cadre de mon métier de formatrice en RSE, j'ai réalisé que cette petite phrase cachait une profondeur insoupçonnée. Elle n'est pas une invitation à la passivité, mais au contraire, à une forme d'action plus intelligente et plus stratégique.

Que signifie "prendre les choses avec philosophie" pour une entreprise ?

Quand on y pense, cette approche se décompose en trois mouvements essentiels pour tout dirigeant :

  • Prendre du recul : 

  • S'extraire de l'immédiateté de la crise pour observer le champ de bataille. Cette distance est la première condition pour une prise de décision lucide.
  • Voir l'ensemble : 

  • Percevoir les liens entre les différents éléments (marché, équipes, fournisseurs, impact environnemental) pour identifier les vrais leviers d'action.
  • Accepter pour mieux agir :

  • Distinguer ce qui dépend de l'entreprise de ce qui n'en dépend pas, pour concentrer ses ressources là où l'impact sera maximal.

Du leadership personnel à la stratégie d'entreprise : la pensée systémique

Ces trois mouvements — prendre du recul, voir l'ensemble, agir juste — ne sont pas seulement une posture de leadership. Ils sont la base d'une méthode concrète : la pensée systémique.

Qu'est-ce que la pensée systémique ?

Imaginez votre entreprise. La pensée traditionnelle, analytique, la découpe en silos : le marketing, les ventes, la production, les RH... Chaque département est un morceau du puzzle, optimisé pour sa propre performance.

La pensée systémique, elle, fait le contraire. Elle ne regarde pas les morceaux, mais les liens entre les morceaux. Elle pose des questions différentes :

  • Comment une décision marketing impacte-t-elle la charge de travail de la production ?
  • Comment notre politique d'achat de matières premières affecte-t-elle notre réputation auprès des clients ?
  • Comment le bien-être de nos salariés se traduit-il en satisfaction client et en innovation ?

En résumé, la pensée systémique, c'est comprendre que votre entreprise n'est pas une machine, mais un organisme vivant. Un écosystème où chaque élément est en interaction constante avec les autres. Changer un élément en affecte inévitablement d'autres, parfois de manière inattendue.

Cette vision n'est pas nouvelle. Dès les années 70, des penseurs visionnaires issus de tous horizons, comme le sociologue Edgar Morin, le biologiste Henri Laborit ou l'économiste René Passet, nous ont alertés. Ils ont montré que pour comprendre le monde, il fallait "relier les connaissances" et voir les interdépendances cachées. Ils nous ont appris l'art de voir les systèmes dans leur globalité pour anticiper les effets de bord et découvrir les vrais leviers de performance durable.

De la pensée analytique à la pensée systémique

Vers une stratégie "philosophique" : la RSE comme application de la pensée systémique

C'est ici que la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) prend tout son sens. Elle n'est plus un sujet "à part", mais l'application directe de cette pensée systémique chère à Morin, Laborit et Passet.

La démarche RSE est l'outil qui force une entreprise à regarder au-delà de ses propres murs et à se poser les bonnes questions systémiques :

  • De quelles ressources naturelles (énergie, eau, matières) mon activité dépend-elle ? (Lien avec l'Environnement)
  • Comment la santé et la motivation de mes équipes influencent-elles la qualité de mon service ? (Lien avec le Social)
  • Quel est l'impact de mon entreprise sur mon territoire, mes fournisseurs, mes clients ? (Lien avec le Sociétal)

La RSE devient alors la méthode la plus efficace pour "prendre les choses avec philosophie" au niveau de l'entreprise. C'est l'outil qui permet de cartographier cet écosystème, de comprendre ses dépendances et d'agir là où l'on crée le plus de valeur pour soi... et pour les autres.

C'est le voyage que je vous propose de faire à travers cette série d'articles. Nous allons explorer comment cette approche, validée par les philosophes et les scientifiques, devient la pierre angulaire des entreprises qui prospèrent dans le monde complexe du 21e siècle.

C'est un risque réel si l'on confond "voir le système" et "vouloir tout contrôler". La pensée systémique n'est pas un appel à l'analyse exhaustive et sans fin. Au contraire, elle est un outil de hiérarchisation. En comprenant les interdépendances, on identifie les "points de levier" : les quelques actions ciblées qui auront le plus grand effet d'entraînement sur l'ensemble du système. L'objectif n'est pas de tout voir pour tout maîtriser, mais de mieux voir pour agir plus intelligemment et avec plus d'impact.

Parce que cela demande de changer la définition même de la performance. Pendant des décennies, le succès d'une entreprise a été mesuré par un indicateur unique et simple : le profit financier. C'est un modèle rassurant car il est linéaire et facile à quantifier. La RSE, en introduisant des indicateurs sociaux et environnementaux, rend la définition de la performance multidimensionnelle. Elle nous force à piloter avec un tableau de bord plus complexe, qui reflète mieux la réalité mais qui est aussi plus exigeant. La résistance n'est donc pas tant un refus de "faire le bien" qu'une peur de perdre un cadre de référence simple et maîtrisé. C'est la difficulté de passer d'une logique de maximisation (le profit à tout prix) à une logique d'optimisation (le meilleur équilibre entre profit, bien-être humain et respect de la planète).


C'est le défi majeur du leadership moderne. La solution n'est pas d'opposer les deux, mais de les articuler. La stratégie consiste à définir des actions qui génèrent des bénéfices à court terme tout en construisant la résilience à long terme. Par exemple : un projet d'efficacité énergétique réduit les factures immédiatement (court terme) ET diminue la dépendance aux énergies fossiles (long terme). Une politique de formation améliore la productivité rapidement (court terme) ET renforce la fidélité et l'innovation (long terme). Le rôle du leader est de "vendre" cette double performance, en montrant que les succès d'aujourd'hui sont les fondations de la pérennité de demain.


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