Dans la majorité des projets ERP, la question du calendrier devient centrale dès la phase de cadrage. "On doit livrer avant la fin du trimestre." "La direction a annoncé une mise en production pour le 1er septembre." Ces phrases banales traduisent une réalité plus dérangeante : une obsession pour la date de livraison, souvent au détriment du reste.
Pourtant, livrer "à l'heure" un ERP non stabilisé, mal intégré, ou rejeté par les utilisateurs est une victoire en trompe-l'œil. Selon une étude Panorama Consulting, plus de 50 % des projets ERP connaissent un dépassement de budget ou d'échéance, et 21 % échouent à générer le ROI attendu.*
Retarder, c'est parfois piloter avec lucidité
Un projet ERP n’est pas un sprint : c’est un changement structurel. Retarder une livraison peut signaler une gouvernance saine et alignée sur les objectifs réels. Plusieurs raisons peuvent justifier ce choix :
- Des utilisateurs non prêts, non formés ou non impliqués
- Une recette technique révélant des écarts majeurs
- Une charge IT ou métier plus forte que prévue
- Une incohérence dans les paramétrages ou les interfaces
Dans ces cas, persister dans une livraison coûte que coûte revient à creuser un déficit de confiance, de performance et de crédibilité.
Comment gérer un "retard intelligent" ?
Voici quelques principes de gestion projet pour piloter ce type de décision :
1. Documenter les raisons du glissement
Un retard ne doit jamais être perçu comme une perte de contrôle. Il doit être argumenté : éléments bloquants, risques identifiés, ROI menacé, conditions de succès non réunies.
2. Anticiper la communication avec la direction
Il est plus facile de reporter un jalon en expliquant qu'il garantit une meilleure adoption ou évite une future phase de correction post-go-live.
3. Piloter par les impacts, pas par le calendrier
L’indicateur clé devient l’état de préparation métier et technique, pas la simple ligne de Gantt.
4. Préparer un scénario B clair et réaliste
Retarder, oui, mais pas indéfiniment. Encadrez le glissement par un plan d’actions précis et engageant.
Conclusion : le courage de dire "pas encore"
Un bon chef de projet sait dire non. Non à une mise en production précipitée. Non à un calendrier déconnecté du terrain. Retarder un projet, ce n’est pas échouer : c’est assumer la responsabilité de livrer un outil robuste, accepté, pérenne.
Dans un monde saturé de promesses de vitesse, le vrai luxe, c’est la rigueur.
*Source : Panorama Consulting – ERP Report 2023